AUTO UNION :
Auto Union AG (Aktiengesellschaft : société par actions) est la dénomination juridique d'un consortium de marques constitué en Allemagne en 1932. La formation de ce nouveau groupe industriel fut le résultat d'interventions politiques et de transferts de capitaux destinés à sortir de la crise un certain nombre d'usines d'automobiles jusqu'alors indépendantes et, même, dans une certaine mesure, concurrentes. Ce processus de concentration fut entamé en 1928 lorsque la Société Audi, de Zwickau en Basse-Saxe, fut absorbée par une entreprise voisine, la Zschopauer Motorenwerke J-S Rasmussen AG qui fabriquait les voitures de la marque D-K-W.
En août 1932, à ce premier noyau s'adjoignit la Société Horch, également de Zwickau, et qui avait en commun avec la Société Audi d'avoir eu le même fondateur. Ces trois firmes donnèrent naissance à l'Auto Union Aktiengesellschaft avec laquelle fusionna la même année la Wanderer Verke AG, de Chemnitz.
Cette dernière devait faire au nouveau groupe un «cadeau» plus important peut-être que son propre potentiel industriel : l'ingénieur Ferdinand Porsche.
Jörgen Skafte Rasmussen, l'homme qui a fédéré Les quatre cercles
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Ces quatre entreprises principales prirent pour emblème commun les quatre cercles entrelacés qui figurent toujours sur les voitures du groupe D-K-W et Wanderer devaient construire des voitures populaires et moyennes. Audi et, plus encore, Horch des voitures de luxe.
Bien que l'incorporation de ces sociétés dans le consortium ait réduit les raisons sociales d'origine au rôle de simples marques commerciales, désignant des gammes de voitures différentes, et malgré une campagne publicitaire massive de deux ans destinée à faire connaître la nouvelle appellation collective, le public continua d'identifier les voitures comme par le passé. Seules les voitures de compétition et de record furent communément désignées par le nouveau nom. Elles furent aussi les seules à porter sur le capot l'emblème des quatre cercles avant l'apparition des modèles des années soixante.
Cette série de voitures expérimentales devait également donner naissance à une intéressante voiture de grand tourisme à trois places et moteur arrière, désignée «projet 52» de Porsche, mais l'affaire n'eut pas de suite.
La décision de participer à la compétition fut essentiellement une opération de prestige destinée à promouvoir commercialement le consortium. L'impulsion vint de l'extérieur, mais pour des raisons de continuité toute naturelle : Porsche, qui avait ouvert un bureau d'études indépendant, eut parmi ses premiers clients la Société Wanderer.
En octobre 1932, Porsche et ses collaborateurs furent intéressés par l'annonce d'une éventuelle formule de course, improprement appelée dans les milieux sportifs "formule libre", et qui n'imposait qu'un poids à vide et une largeur minimale.
La cylindrée du moteur, qui pouvait aussi être suralimenté, était libre ce qui permettait d'envisager en compétition l'emploi de puissances maximales comme, de nos jours, la formule Can-Am.
D'autres éléments jouèrent, sans aucun doute, un grand rôle dans la décision de Porsche et dans la détermination de ses premiers partisans ainsi que, plus tard, dans les intentions des responsables du consortium et même des milieux politiques.
Tazio Nuvolari au volant de la première version (Modèle A) au Grand Prix de Tchécoslovaquie 1934 16 cylindres en V, 4368 cm3, 295 ch, 270 km/h
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Si Ferdinand Porsche eut conscience du manque de prestige international de l'industrie automobile allemande, le nouveau régime national-socialiste la reprit à son compte. L'ingénieur commença ses études de son propre chef en constituant, dès novembre 1932, une société ayant pour objet l'étude et l'expérimentation du projet : la Hochleis-ungfahrzeugbau GmbH. Ferdinand Porsche, qui à l'époque n'avait pas encore réalisé de voitures à moteur arrière, semble y avoir été poussé par Rosenberger qui, en 1922-1923, avait piloté la Benz «Tropfenrennwagen», étrange voiture profilée en forme de goutte d'eau construite sous licence Rumpler.
Pendant l'hiver 1932, le projet de la voiture prit corps avec l'adoption d'une suspension à quatre roues indépendantes, moteur central arrière à seize cylindres en V et soupapes à 45°. La cylindrée retenue était de 4 368 cm3 (68 x 75 mm) et le régime d'utilisation de 4 500 tr/mn.
La direction des études moteur fut confiée par Porsche à Josef Kales, tandis que Karl Rabe était responsable des suspensions. A ce stade, les ressources financières de Rosenberger ne pouvaient plus suffire pour mener à bonne fin le développement du projet et, encore moins, pour garantir sa venue en compétition.
Tandis que Porsche prenait contact avec diverses firmes, sans résultats d'ailleurs, Hans von Stuck, qui devait s'illustrer plus tard au volant de ces voitures mais qui était déjà un sportif, actif actionnaire de la petite société d'études, obtenait une entrevue, à Munich, avec le récent chancelier Hitler et réussit à attirer son attention sur l'importante propagande que le mouvement national-socialiste pouvait retirer d'un retour de l'Allemagne à la compétition automobile.
Auto Union 16 cylindres de Hans Stuck au départ de la coupe Acerbo 1934. Hans Stuck en tête à la Coupe Acerbo 1934.
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En attendant que ces contacts donnent les résultats espérés, Porsche se mit en rapport, par le truchement de Wanderer, avec la nouvelle société Auto Union. Les décisions prises furent convergentes.
Le directeur commercial d'Auto Union avait eu vent d'un retour de Daimler-Benz à la compétition et pouvait supposer que tous les succès remportés par Mercedes seraient autant de coups portés aux ventes des voitures Horch.
Il n'était toutefois pas possible de financer avec les seules ressources de la marque un tel programme. Par ailleurs, depuis quelques mois, Hitler avait pris le pouvoir et une deuxième rencontre fut décidée, à laquelle se rendit une délégation d'Auto Union conduite par Porsche lui-même. Peu de temps après, le gouvernement accorda une subvention de 45 0000 marks à répartir entre Auto Union et Daimler-Benz, ces deux sociétés s'engageant par contrat à construire et à exploiter des voitures de compétition.
Il apparut aux responsables d'Auto Union que la contribution gouvernementale pouvait couvrir le coût direct de l'opération, et ils passèrent avec Porsche un contrat permettant à ce dernier de démarrer la construction des voitures. Mais, tous comptes faits, on s'aperçut que cette somme ne représentait même pas le dixième des dépenses entraînées par l'activité sportive de la firme au cours des années précédentes (y compris le département motocycliste de D.K.W), si bien qu'en ce qui concernait les seules voitures Auto Union, on choisit un élément de contrôle : il fut décidé que les dépenses ne devaient pas dépasser 1% du chiffre d'affaires total.
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Dans cette gigantesque affaire qui consistait à construire et à faire courir une voiture de l'importance de la future Auto Union, l'entreprise fut menée avec un maximum d'attention portée aux problèmes des coûts de fabrication et au choix de solutions rationnelles et économiques. Dès les premiers projets, relatifs au modèle A, des simplifications structurelles apparurent : groupe cylindres monobloc, culasses détachables, commande des soupapes par un seul arbre à cames en tête, etc...
Caractéristiques alors rencontrées sur des voitures de tourisme et non pas sur des moteurs de course à très haut rendement, comme les Alfa Romeo ou les Mercedes. Cependant, l'architecture du véhicule et les solutions retenues furent tout à fait extraordinaires : rappelons seulement que la boite de vitesses était graissée sous pression ainsi que les cardans des demi-arbres enfermés dans des gaines étanches.
Si l'analyse des caractéristiques d'un moteur permet généralement d'en déduire le «mode d'emploi» et, corrélativement, le comportement de la voiture, on peut dire de celui de l'Auto Union que, malgré ses apparentes contradictions, il était extraordinaire. En effet, si le fractionnement de cylindrée, le plus élevé jamais rencontré dans une voiture de Grand Prix ayant fait ses preuves, fait penser à la possibilité d'atteindre un très haut régime de rotation, en revanche une limitation volontaire de celui-ci favorisait la production d'un couple important «en bas». Le couple maximal se situait vers 2 500-2 700 tr/mn, résultat auquel concourait également le compresseur en assurant un remplissage parfait à tous les régime, ce qui, par ailleurs, autorisait un usage limité de la boite de vitesses.
La voiture fut construite dans les usines Horch de Zwickau, qui étaient, parmi toutes les usines du groupe, les mieux équipées en machines de précision.
Voiture de 1936. 520 ch, 6000 cm3. On remarquera le moteur central et la boîte derrière le pont arrière. Le réservoir est en position centrale, derrière le pilote. A l'époque des moteurs avant, cette voiture si "bizarre" faisait craindre pour sa fiabilité et sa sécurité passive.
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Toutefois, le département compétition, qui devint toujours plus exigeant en matière d'usinage et de contrôle, finit par devenir complètement autonome, à la différence de ce qui se passa chez Daimler-Benz où les spécialistes eurent toujours la possibilité de se servir des équipements normaux - d'ailleurs excellents quant à la qualité - de l'ensemble des usines. C'est une des raisons pour lesquelles les composantes de l'Auto Union, qui ne pouvaient pas bien sûr être produites en série mais qui devaient néanmoins être aisément remplacées, furent fabriquées en grande partie sur des machines-outils spécialement modifiées ou adaptées (la plupart des pièces étant prises dans la masse pour éviter la création d'équipements plus coûteux qui n'auraient pu être amortis).
Mais la recherche de la légèreté et des hauts rendements, en imposant parfois des procédés fort peu économiques, annula d'un point de vue purement comptable, les effets de la simplification voulue du moteur.
Il faut donc considérer celle-ci comme le résultat de l'influence de la technologie personnelle de Porsche, et non comme une conséquence directe d'une réduction volontaire du prix de revient ou du contexte économique de l'entreprise. On en veut pour preuve les améliorations et les transformations apportées au fur et à mesure que la nécessité s'en fit sentir, comme par exemple le très complexe vilebrequin à rouleaux étudié par la Société Hirth AG dés 1935, qui permit l'emploi de bielles en une seule pièce, montées sur rouleaux
En 1938, le modèle E à douze cylindres reçut aussi des paliers à rouleaux. Le pilote du prototype fut Willy Walb, qui devait par la suite devenir directeur de l'équipe tout en partageant avec Porsche la responsabilité de la stratégie générale. Porsche fut d'ailleurs toujours extrêmement attentif au comportement des voitures qu'il suivit personnellement sur les pistes, même après 1937 alors que son contrat avec le groupe Auto Union avait été résilié pour des raisons financières. Walb, au contraire, demeura à son poste jusqu'en 1935.
A la suite de désaccords internes, il fut alors remplacé par Feuereissen. Walb avait aussi été pilote des Tropfenrennwagen et partisan acharné de la formule du moteur arrière, même après la fusion entre Benz et Daimler, mais, à la différence de Rosenberger, il avait en plus un rôle de technicien à assumer.
Le châssis type C de 1936. On remarque le cadre fait de deux gros tubes parallèles dans lesquels circulait l'eau de refroidissement.
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Walb prit donc la responsabilité de piloter la première voiture lors des essais qui furent suivis avec une certaine anxiété : le contrat, qui liait Auto Union et l'équipe de Porsche, stipulait que la voiture ne serait acceptée qu'après avoir prouvé qu'elle était capable de tourner sur le circuit de l'Avus à la moyenne de 200 km/h.
Cet objectif fut atteint en présence de quelques invités, le 11 janvier 1934, alors que les débuts en public, pour lesquels le 6 mars suivant la voiture fut confiée à Hans von Stuck, consistèrent en une tentative, réussie, de battre le record de l'heure établi un mois auparavant à Montlhéry par George Eyston, sur une Panhard.
Berndt Rosenmeyer Grand Prix d'Italie 1936. Ce jeune pilote mourut en 1938 lors d'une tentative de record de vitesse.
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Exposée quelques jours après dans le hall d'honneur du Salon automobile de Berlin, l'Auto Union était désormais une réalité tangible.
L'équipe des techniciens et des responsables sportifs ne cessa pas de s'accroître pendant toute la carrière des voitures. Le soutien de l'atelier spécial fut assuré par Werner. l'un des directeurs techniques de Wanderer, en relations constantes avec Oskar Siebler responsable de la fabrication des éléments. A Zwickau. dans les bureaux installés dans les anciens établissements Horch, résidaient l'ingénieur Jacob qui accompagnait les voitures sur les pistes et surtout Robert Eberan von Eberhorst, responsable des calculs, des essais et du développement des moteurs.
Lorsque Porsche, en 1938, réduisit sa collaboration, von Eberhorst assuma progressivement le contrôle total de l'entreprise en révélant, alors, un véritable talent pour la mise au point du châssis et des suspensions. Au commencement, les Auto Union reçurent une suspension avant à bras parallèles, et l'élément élastique fut réalisé par deux barres de torsion transversales, selon le schéma Porsche rendu fameux plus tard par la Volkswagen. Cette disposition, bien qu'excellente sur le plan théorique, n'était pas la meilleure ni la mieux adaptée aux voitures de compétition de grande puissance.
La position et la longueur des bras engendraient, en effet, un phénomène de tangage dû aussi à la raideur du train avant qui affectait les suspensions arrière.
Une des premières modifications introduites par von Eberhorst fut l'augmentation de la longueur des bras. En même temps, avec la collaboration d'Oskar Siebler, qui avait étudié, depuis la fin de 1935, une suspension semblable sur les 8 cylindres Horch de tourisme, Von Eberhorst décida l'adoption du pont de Dion sur les Auto Union. Ce fut pendant longtemps l'unique exemple d'une application réussie de ce type d'essieu sur une voiture de compétition à moteur arrière.
Eberan von Eberhorst ne put compter que sur un seul pilote d'essai, Rudi Hasse. Il fut toujours handicapé par l'absence d'un technicien de haut niveau, capable de piloter des voitures très rapides et d'en faire l'analyse en termes scientifiques et mathématiques, comme par exemple le célèbre Rudi Uhlenhaut de chez Mercedes.
Avec la collaboration de la firme Kienzle fabricant d'appareil de mesures. Eberhorst dut, par conséquent, étudier des systèmes spéciaux d'enregistrement installés bord des voitures pour en rapporter, avec précision, les différents paramètres de fonctionnement. L'auréole de gloire sportive des Auto Union devenues quasi légendaires, est due aussi au nombre de dispositifs insolites qui les équipèrent et qui firent beaucoup parler d'eux à l'époque (ces dispositifs allaient de ces fameux instruments de bord aux crics à air comprimé montés à demeure sur la voiture afin d'accélérer les changements de roues, cette expérience fut limitée à 1935).
Plus inhabituelle, cependant, était la position arrière du moteur qui fut rendue responsable, sans raison valable, de la difficulté et du danger présentés par la conduite de cette voiture et auxquels firent allusion, en Italie, Nuvolari et Taruffi. sans doute inquiets pour leur avenir !
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En réalité, malgré les très grandes puissances développées et surtout malgré une architecture qui nécessita un nouveau style de conduite, de bons pilotes moyens, comme Müller et Hasse, surent les mener à la victoire.
Après la première série ininterrompue de victoires de Stuck, celui qui prouva qu'il savait tirer le meilleur de cette voiture, fut Berndt Rosemeyer. Il fut tué à la suite d'une sortie de route provoquée non pas par un obstacle mais par une embardée et une perte de contrôle - ce qui semble prouver un excès de confiance dans la machine - rappelons, toutefois, qu'il s'agissait d'une tentative de record avec une voiture carénée selon les critères de l'époque et que les conditions extérieures étaient défavorables.
Quoiqu'il en soit, les progrès de la technique automobile permettent aujourd'hui de penser que le point faible de ces voitures, extraordinaires par leur grande puissance et les vitesses élevées atteintes en compétition, réside principalement dans les pneumatiques de grand diamètre imposés par Continental qui n'avait pas d'autre moyen de réduire les risques d'échauffement et de déchapage, ainsi que dans la conception encore imparfaite des suspensions, domaine dans lequel Porsche bénéficiait d'un quasi monopole industriel en matière de barres de torsion, ce qui le conduisit, par intérêt scientifique et professionnel, à pousser à la limite cette expérience toute personnelle.
Auto Union type D pilotée par Tuvolari à Pescara 1938.
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On doit se rappeler qu'il fallut attendre la fin de 1937, c'est-à-dire avec un an de retard sur les Mercedes dont les améliorations étaient loin d'être secrètes, pour que soient expérimentés les amortisseurs hydrauliques qui, d'ailleurs, ne furent jamais mis complètement au point sur les Auto-Union.
Les essais furent interrompus par la guerre, alors que l'axe arrière était encore assisté par des amortisseurs à friction.
Les voitures Auto Union furent présentées en trois types de base, les versions A, B et C avec moteur à seize cylindres de puissance toujours croissante. Puis, apparurent le type D construit pour la formule de 1938, qui limitait à 3 1 la capacité des moteurs suralimentés (12 cylindres en V,65 x 75 mm), et le type E étudié pour la formule 1500 cm3 prévue ultérieurement. qui, dans ses deux versions, l'une à moteur avant, l'autre à moteur arrière, n'eut pas l'occasion de paraître en compétition.
Après les hostilités, les établissements d'origine des Auto Union se retrouvèrent en zone orientale et les voitures de course disparurent, sauf un exemplaire propriété d'un particulier à Varsovie. Il subsiste encore de ces voitures un châssis d'exposition, en donation depuis 1936, au Deutches Museum de Munich et un moteur à seize cylindres conservé par la nouvelle société Auto Union reconstituée en Allemagne occidentale.
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