MATRA Rancho :
Etonnante voiture que la Rancho. Dérivée d’un utilitaire Simca, techniquement dépourvue de toute sophistication, elle n’en joue pas moins un rôle de premier plan dans l’histoire de Matra Automobile. Ce dernier tient au concept très innovant de la voiture, laquelle constitue un virage stratégique décisif dans le parcours de la marque. Pionnière dans son principe, la Rancho représente le premier pas vers l’Espace. Sans la Rancho, Matra n’aurait jamais fait l’Espace.
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Constructeur exclusif de coupés sportifs ou para-sportifs, dont l’architecture rappelle les voitures de compétition, Matra s’est jusqu’alors cantonné dans une stratégie monomodèle. En 1975, suite au choc pétrolier, la firme révise sa position, estimant nécessaire de se dégager d’un créneau aléatoire et à la rentabilité incertaine. Elle découvre alors que le marché s’ouvre aux notions d’évasion et de loisirs, que naît un comportement nouveau à l’égard de l’automobile. D’où l’idée de départ de la Rancho : proposer une véhicule complémentaire à la voiture de sport et situé dans un marché potentiellement plus porteur. La voiture profitera du mouvement qui se dessine alors, aussi bien dans la moto, avec les débuts de la moto verte, que dans l’automobile avec le Range Rover.
L’intuition s’avérera payante, puisque le succès commercial de la Rancho dépassera largement les attentes de ses auteurs. Avec des ventes supérieures au double des prévisions, la voiture s’adjugera le record de production des modèles Matra (avant l’Espace). Grâce à une mise de fonds très faible et à des coûts de production qui sont ceux de la grande série, la Rancho sera, de loin, le modèle Matra le plus rentable jusqu’à l’Espace.
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Car, dès la genèse du projet, Jean-Luc Lagardère, qui ne souhaite pas consacrer beaucoup d’argent à l’affaire, impose de trouver une formule de production bon marché, très économe en investissements. L’entreprise doit donc faire avec ce qu’elle a sous la main. On utilisera comme base l’utilitaire VF2 de Simca construit sur la structure de la 1100, en retenant sa version la plus facile à équiper, le pick-up. La Rancho sera ainsi la première Matra à traction avant (moteur en position transversale). Côtoyant d’abord la Bagheera, puis la Murena, elle correspondra également à la seule période où Matra construira en parallèle deux modèles différents.
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Présenté à des prévisionnistes, le prototype de la Rancho ne suscite que des avis pessimistes. Commentaire de Philippe Guédon : « Quand une voiture ne répond pas à des canons existants et qu’il n’existe pas de points de comparaison, les prévisionnistes pataugent. Ce sera la même chose quelques années plus tard avec l’Espace ».
Née en 1977 sous l’ère Chrysler France (Matra Simca), la voiture va vivre ensuite dans le giron de Peugeot (Talbot Matra) suite au rachat par Sochaux de Chrysler Europe. Véhicule de loisirs « tous chemins », la Rancho est une deux portes à cinq places à la garde au sol augmentée, et dotée d’un hayon ouvrant en deux parties. Elle reçoit une boîte arrière rapportée (sorte de caisse autorigide), composée de pièces soudées et boulonnées sur le pick-up. Réalisée en tôle, cette cage est recouverte d'une peau en plastique. La motorisation est confiée au 1442 cm3 Simca, choisi pour la valeur de son couple. Une suspension renforcée à barres de torsion apporte souplesse et confort, tandis que des roues de 14 pouces, montées avec des pneus tout terrain étudiés spécialement par Pirelli, remplacent les 13 pouces du VF2. Ainsi gréée, la Rancho réalisera des performances tout terrain qui en étonneront plus d’un.
Quant au design, il est dû à Antoine Volanis. Si la face avant respecte l’identité avec la Simca 1100 (un thème imposé), la partie arrière rappelle symboliquement les lignes antérieures ce cette dernière pour donner une impression d’homogénéité. Un bouclier en fibre de verre ceinture la voiture.
La Rancho sera déclinée en plusieurs variantes. Outre la version normale, apparaîtront la Rancho AS (AS pour Affaire-Société), une voiture de société dépourvue de banquette arrière, la Rancho X à la finition supérieure (sièges en velours) et la découvrable. Dotée d’une cage en tubes, cette dernière subira un échec commercial pour des problèmes de rigidité et les difficultés rencontrées avec sa capote. La variante la plus populaire sera la Grand Raid, équipée d’un treuil et de quatre sièges avec appuie-tête. Elle est reconnaissable à ses deux phares additionnels disposés de part et d’autre du pare-brise et au lettrage Rancho Grand Raid situé à l’arrière du pavillon. Envisagée un instant, une version 4 x 4 sera abandonnée en raison de son coût excessif — il aurait fallu reprendre entièrement la structure, d’où un investissement trop important.
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A la recherche d’une remplaçante de la Méhari, l’armée française s’intéressera à la Rancho. Un prototype sera réalisé, dont les tests seront jugés satisfaisants. Pourtant, le marché ne se fera pas.
La Rancho verra sa carrière interrompue lorsque Matra cessera sa collaboration avec Sochaux pour construire l’Espace avec Renault. Techniquement simple à l’inverse des autres créations Matra, elle apparaît comme un mécano ingénieux réalisé à partir de la banque d’organes Simca. Resté sans concurrence, son concept innovant connaît aujourd’hui une postérité tardive avec les ludospaces, dont la Rancho est la pionnière.
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