Hommage à Jean Rédélé
mon maitre spirituel:
Au cœur de l’été dernier s’en est allé un grand nom de l’automobile française. Jean Rédélé nous a quittés le 10 août.
Né le 17 mai 1922 à Dieppe, fils de garagiste, il avait commencé sa carrière en décembre 1946 comme jeune concessionnaire Renault à Dieppe après être sorti d’HEC. Industriel, pilote, passionné d’automobile et meneur d’hommes, il fut aussi et surtout un grand créateur.
Comme nombre d’auteurs de grandes œuvres, qui se forgent un destin d’exception, Jean Rédélé était un perfectionniste. Il faisait preuve d’une exigence à la hauteur de la passion qu’il apportait à son entreprise. Il le reconnaissait bien volontiers et louait à cet égard la compréhension, voire la patience, de ses collaborateurs. Sa classe naturelle et son charisme en faisaient un homme respecté et même admiré de son entourage.
© Gilles Bonnafous
Homme d’affaires habile et entrepreneur audacieux, Jean Rédélé aimait le risque. Parfois tenté par l’impossible, il possédait un sens aigu du défi. Jusqu’à l’excès même, comme le montre la poursuite cumulée de plusieurs programmes en rallyes, F3, F2 et courses d’endurance… Un bien gros appétit pour une petite marque aux moyens limités.
Jean Rédélé savait par instinct. Bien que n’ayant pas reçu de formation d’ingénieur, il faisait montre d’une réelle compétence technique. Il avait compris par exemple que le poids était l’ennemi, raison pour laquelle il s’était tourné vers ce qui était alors une nouvelle technique, la carrosserie en polyester stratifié — qui, de plus, se révélait mieux adaptée à la production artisanale.
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© Gilles Bonnafous
Intuitif, Jean Rédélé a toujours eu l’instinct juste dans ses choix. Celui des hommes notamment. Il savait aussi les motiver par son enthousiasme et palier ainsi la faiblesse des moyens financiers. Il était très fier de l’équipe qu’il avait rassemblée autour de lui. S’il demandait beaucoup à ses collaborateurs, il savait aussi être humain et se montrer soucieux de leur avenir. Lorsqu’il céda son entreprise à Renault, certains d’entre eux sont devenus des figures de premier plan du constructeur de Billancourt, à l’image de Bernard Dudot ou de Jacques Cheinisse.
La fidélité était une autre valeur que l’homme cultivait. Parfois jusqu’à la cécité, comme ce fut le cas à l’égard de Renault, auquel il resta attaché jusqu’au bout. En raison de ses débuts effectués sur les voitures au losange. Aussi sans doute par patriotisme, car changer de partenaire et de motoriste supposait de se fournir à l’étranger. Il en fut bien mal payé de retour.
Toujours tiré à quatre épingles, cravate et pochette assortie, Jean Rédélé était surtout doué d’une élégance naturelle. Altier sans être hautain, il affichait une belle distinction. D’une grande courtoisie, aimable et toujours accueillant, c’était aussi un séducteur.
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Homme d’élégance, Jean Rédélé aimait la beauté. Amateur d’art, il était doué d’un vrai sens esthétique, dont témoigne son chef-d’œuvre, la berlinette. Il n’existait pas de poste de designer dans l’organigramme de Dieppe. C’est lui-même qui assurait la fonction en donnant ses consignes et en supervisant le travail de ses collaborateurs et compagnons.
Volontiers cocardier, Jean Rédélé affichait sa fierté d’être Français. En témoigne cette anecdote rapportée par Hubert d’Artemare : lors d’une de ses visites au salon de Paris, de Gaulle lui demanda « à quoi servaient » les Alpine : « A faire hisser les couleurs de la France, mon général »…
Jean Rédélé a offert à l’automobile française une belle et grande aventure. Et un palmarès riche en lauriers à de nombreuses. Au-delà de l’œuvre qu’il avait accomplie, j’éprouvais pour cet homme un grand respect. Je l’aimais pour les valeurs qu’il portait.
© Gilles Bonnafous
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