• SIMCA Océane et Plein Ciel:

    « Je vends mes voitures aux plus jolies femmes de Paris », se flattait Henri Pigozzi. Ce marketing galant visait particulièrement les modèles d’agrément au design élégant que sont le cabriolet Océane et le coupé Plein Ciel. Prioritairement destinés à la clientèle féminine, ils occupèrent une place de choix dans l’exposition « La femme et sa voiture » organisée aux Galeries Lafayette et inaugurée par Pigozzi lui-même. Ce fut la première du genre et elle eut un retentissement certain, en particulier dans la presse féminine.
    SIMCA Océane et Plein CielSIMCA Océane et Plein Ciel
    Prototype Plein Ciel
    © D.R.
     
    Simca confia également la promotion de ses cabriolet et coupé à quelques célébrités masculines, dont Alphonse Halimi, champion du monde de boxe, qui, photographié dans une revue, déclarait au volant d’une Océane : « Cette voiture me plaît, elle a du punch ! ». Mais là, c’était solliciter beaucoup le talent de la voiture, dont la sportivité n’est pas la qualité première…

    Dévoilés au salon de Paris 1956, le cabriolet Océane et le coupé Plein Ciel — curieux nom pour un coupé… qui aurait mieux convenu au cabriolet ! — sont les héritiers du Coupé de Ville apparu en 1954 et du cabriolet Week-End lancé l’année suivante. Construits comme ces derniers par Facel, ils seront produits sur une période à cheval sur la carrière de l’Aronde et de la P60.
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    Prototype Océane                                                                                              Océane
    © D.R.

    Océane et Plein Ciel marquent une forte rupture dans la généalogie des coupés et cabriolets Simca. Après le style italien des deux premières générations, ils font place au design américain. S’il correspond à la mode du temps, ce changement de cap reflète sans doute la fascination qu’exerçait l’Amérique sur Henri Pigozzi. En témoignent les Aronde Grand Large et leurs luxueux dérivés, des berlines deux portes sans montants à la manière des coupés « hardtop » d’outre-Atlantique, la Vedette Marly, premier break français à l’américaine, et les livrées bicolores aux teintes éclatantes de même inspiration, toutes « voitures pimpantes » comme les qualifiait lui-même le fondateur de la marque.
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    Cabriolet Océane, 1957
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    A l’image de l’Auto Union 1000 SP pour l’Allemagne, l’Océane, c’est une petite Thunderbird à la française. Sa ligne allongée et tendue lorgne clairement vers Dearborn, comme sa calandre grillagée en aluminium poli. On ajoutera les ailerons, timides mais bien là, les visières de phares et les clignotants encastrés dans les ailes avant. Précisons que le dessin de la calandre a été modifié au dernier moment avant la présentation des voitures. A la veille de l’ouverture du salon, elle comportait un aubage peint dans la couleur de la carrosserie.

    Mais le trait le plus spectaculaire de ce tropisme américain est l’immense et disproportionné pare-brise panoramique, déjà monté sur les Facel Vega. Simca vante « la luminosité exceptionnelle » de ce « pare-brise grand angle qui dégage une vision totale comparable à celle que l’on trouve dans le cockpit des avions modernes ». La réalité est tout autre. Comble du paradoxe, il pénalise plutôt la visibilité à cause de son cintrage très prononcé, source de déformations latérales de la vision. Et c’est pire par temps de pluie, les essuie-glaces ne pouvant naturellement balayer les replis latéraux. Ajoutons encore que ce pare-brise mange les portières, rendant l’accessibilité à la voiture acrobatique — sur le coupé Plein Ciel, 58 centimètres seulement séparent les montants de la vitre arrière fixe.
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    Coupé Plein Ciel, 1957
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    L’Océane et la Plein Ciel sont d’abord équipées du 1300 cm3 Flash Spécial de l’Aronde Montlhéry à la puissance de 57 ch. Il s’agit encore du groupe à trois paliers. Le nouveau quatre cylindres à cinq paliers de la P60 arrive à la fin 1960 sous la forme du Rush Super (62 ch à 5200 tr/mn). Il s’effacera bientôt au profit du Super M (70 ch à 5900 tr/mn), qui motorisera les voitures jusqu’au terme de leur carrière. Ainsi gréées, elles parcourent le kilomètre départ arrêté en 42 secondes et dépassent les 140 km/h. Des performances proches de celles du cabriolet 403 de 1,5 litre, mais qui ne suffisent pas à en faire des modèles sportifs.
    SIMCA Océane et Plein CielSIMCA Océane et Plein Ciel
    Plein Ciel, 1959                                                                           Intérieur de l'Océane
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    En octobre 1958, les Océane et Plein Ciel subissent un léger lifting sous la forme d’une calandre élargie et de pare-chocs relevés à l'image de la Thunderbird 1957. On note également quelques retouches affectant les feux arrière et le pavillon du coupé, relevé et à la lunette agrandie. Un an plus tard, afin de réduire un prix de vente très excessif, Simca présente les versions « S » à la finition simplifiée. Elles sont notamment identifiables à leurs pièces de carrosserie empruntées à la P60 (pare-chocs droits, clignotants, feux arrière, etc.). La sellerie abandonne également le cuir pour le simili. Mais le niveau de finition précédent se maintient sous l’appellation de Grand Carrossier. Il disparaîtra l’année suivante.

    Cette évolution destinée à stimuler les ventes, demeurées à un faible niveau, sent la fin de règne. Ce sera peine perdue face à la rude concurrence de la Floride. L’Océane et la Plein Ciel tireront leur révérence en juillet 1962 pour céder la place au coupé dérivé de la Simca 1000.
    SIMCA Océane et Plein CielSIMCA Océane et Plein Ciel
    Océane, 1961                                                                                        Océane, 1962
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  • Paul BRACQ chez Mercedes-Benz :

    Expérience unique pour un designer français, Paul Bracq a réalisé l’essentiel de sa carrière en Allemagne, en particulier chez Mercedes-Benz, où il a effectué ses débuts. C’est à Sindelfingen qu’il a créé l’un de ses chefs-d’œuvre, la Pagode, un modèle phare qui a marqué son époque par sa conception d’avant-garde.

     Paul Bracq chez Mercedes-Benz Paul Bracq chez Mercedes-Benz
    © D.R
     
    Effectuant son service militaire en Allemagne, Paul Bracq est affecté à l’état-major situé à Lahr, en Forêt-Noire. Chargé de l’entretien de la voiture du général, une Mercedes 300 Adenauer, il ne manque pas l’occasion de conduire cette dernière à la révision à Untertürkheim. Il en profite pour confier quelques-uns de ses dessins — des 190 SL et 300 SL modifiées — au service de presse. Une semaine plus tard, il est convoqué ! Il rencontre alors Karl Wilfert à Sindelfingen, qui lui propose de l’engager au terme de sa (prochaine) libération. Imaginez la joie du jeune militaire, un sentiment d’autant plus fort qu’il est le premier Français à être recruté par la prestigieuse marque allemande. Hélas, le déclenchement de la guerre d’Algérie oblige Paul Bracq à porter l’uniforme encore dix-huit mois. Mais bon prince, Karl Wilfert ne rompt pas pour autant le contrat.

    Revenu à Sindelfingen en 1957, Paul Bracq rejoint l’unité de Style Avancé de Mercedes, une équipe réduite composée essentiellement de Karl Wilfert, chef des essais, de Friedrich Geiger, un ingénieur, et de lui-même. Concurrente de l’équipe de design héritée de l’avant-guerre, cette cellule a donné naissance à la 300 SL. Elle assurera définitivement sa suprématie à partir de 1959 avec la génération des berlines W 111 et 112 à ailerons. La symbiose entre la recherche, le style et les essais assure à cette équipe une cohésion et une efficacité remarquables. Pour le travail de modelage, la technique du plâtre, matériau lourd et cassant, est rapidement abandonnée au profit de la résine. Ainsi peuvent être réalisées des maquettes dont les portes s’ouvrent et dans lesquelles il est possible de s’asseoir.

     Paul Bracq chez Mercedes-Benz Paul Bracq chez Mercedes-Benz
    Paul Bracq
    © D.R
     
    Paul Bracq se souvient : " Nous peignions les maquettes en noir brillant et, sous les tubes au néon, les lignes de lumière tracées sur la caisse nous permettaient un contrôle visuel. Le noir brillant révèle le moindre défaut de modelage. En se baissant, on voyait filer une ligne de contrôle. Le talent de Mercedes, c’était de remettre cent fois l’ouvrage sur le métier. Pendant six mois, nous poncions et nous faisions filer… Les carrosseries de la marque tiraient leur qualité de ce travail rigoureux effectué sur les maquettes. Grâce au modelé, la tôle paraissait plus épaisse et la peinture plus profonde. L’épaisseur est une illusion provenant de l’art de galber les formes. Le travail des chromes était également très poussé. Pour un jonc placé sur le flanc de la voiture, nous réalisions de dix à quinze sections afin de choisir celle qui prendrait le mieux la lumière. L’art du chrome consiste à optimiser la partie qui reflète le ciel au détriment de celle, obscure, qui est orientée vers le sol ".
     
    La première mission confiée à Paul Bracq consiste à dessiner les feux arrière triangulaires de la berline 190 W 110. Puis, Karl Wilfert lui demande d’agrandir la lunette arrière du hard-top de la 190 SL. Il s’en acquitte en créant de superbes lignes panoramiques. En 1957, il est l’auteur de projets de mini-voitures urbaines, dont les brevets sont déposés par Daimler-Benz. Autre mission importante, Karl Wilfert lui confie le dessin du coupé et du cabriolet dérivés de la berline W 111. Il crée une ligne magnifiquement épurée, dont font les frais les ailerons qu’il ne porte pas dans son cœur : " Les ailerons avaient pour rôle d’alléger le ponton. Mais leur agressivité lassait le regard. De plus, ils se révélaient dangereux en cas d’accident et la tôle vrillée était difficile à réparer. Ils ont constitué l’une des rares fautes de parcours dans l’histoire du style Mercedes. Faute doublée d’une erreur, qui a consisté à doter la gamme entière d’une carrosserie unique, des quatre cylindres diesel aux modèles de prestige. D’où la nécessité d’équiper la 300 SE d’une pléthore de chromes pour la différencier ".
     Paul Bracq chez Mercedes-Benz Paul Bracq chez Mercedes-Benz
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    Avec la 230 SL Pagode, Paul Bracq réalise en 1963 son premier chef-d’œuvre. Mélange subtil de classicisme et d’avant-garde, la voiture tire sa singularité de la grande finesse de ses lignes, assortie d’un fort développement du pavillon et de la surface vitrée. En cela, elle affiche trente ans d’avance et annonce les voitures d’aujourd’hui. Luminosité et transparence font partie des principes fondamentaux de l’art de Paul Bracq : " Dans une voiture, j’ai toujours aimé voir clair pour mieux communiquer avec l’environnement. Afin d’augmenter la surface vitrée, j’ai abaissé la ligne de caisse et descendu le ponton. Cette transparence participe également à la sécurité. Pour moi, le pavillon idéal reste la cabine d’hélicoptère ".
     Paul Bracq chez Mercedes-Benz Paul Bracq chez Mercedes-Benz
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    L’idée du toit en forme de pagode revient à Béla Barényi, l’homme aux 2500 brevets qui dirige le bureau projets de la marque. Il avait inventé un véhicule symétrique d’aspect assez insolite sur le toit duquel il était possible de s’installer — pour faire du camping par exemple. Paul Bracq reprend cette formule et accroît la hauteur du pavillon initialement prévue de six centimètres. La réussite esthétique de la voiture tient également à une erreur commise en cours de développement du projet. En effet, la largeur de la plateforme a été sur dimensionnée. Au lieu de réaliser un nouveau soubassement, Karl Wilfert décide d’élargir les ailes en y ajoutant des bourrelets, créant ainsi un effet de roues tangentes qui allège la silhouette.
     Paul Bracq chez Mercedes-Benz Paul Bracq chez Mercedes-Benz
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    Parallèlement à la 230 SL, Paul Bracq travaille sur la 250 Classe S W 108 appelée à succéder, à partir de 1965, à la série 111. Son idée est de transformer le coupé de la génération antérieure, dont il est l’auteur, en berline à quatre portes. Le même principe de transparence est retenu, avec un pavillon de grande hauteur, mais Paul Bracq parvient à donner à la ligne un remarquable effet d’horizontalité. Tout en gardant les Lichteinheiten— le regroupement sous un même globe des projecteurs, antibrouillards, clignotants et feux de position —, il souhaitait faire évoluer la calandre vers un dessin horizontal. Les dirigeants de Mercedes n’y étaient pas prêts, mais l’avenir lui donnera raison. Toujours est-il que l’ensemble jouit d’un rare équilibre, qui fait de cette voiture l’une des plus belles berlines Mercedes jamais produites. Moins convaincante d’un point de vue esthétique, la nouvelle génération, celle des séries 114 et 115 lancée en 1967, constitue une gamme de modèles moins onéreux. Avec une ligne de pavillon très racée, le coupé apparaît de loin comme le plus réussi.
     Paul Bracq chez Mercedes-Benz Paul Bracq chez Mercedes-Benz
    © D.R

    Voiture superlative, la 600, présentée en 1964, reprend les mêmes principes, mais à une autre échelle. Fritz Nahlinger, le directeur des études, ayant demandé que le porte-à-faux avant soit raccourci pour faciliter les manœuvres de stationnement, la ligne s’en trouve quelque peu disproportionnée. Paul Bracq dessine plusieurs projets d’un coupé dérivé de l’immense limousine. Mais la voiture ne sera pas commercialisée. Egalement en charge des versions spéciales pour chefs d’Etat, il participe à l’étude de trois Mercedes destinées au Vatican, deux Classe S allongées, dont un landaulet, et une 600 à toit rehaussé. Par ailleurs, il travaille à des carrosseries de prototypes à moteur Wankel, solution technique à laquelle Stuttgart croit à cette époque.
     Paul Bracq chez Mercedes-Benz Paul Bracq chez Mercedes-Benz
    © D.R
     
    Après dix années passées au service de Mercedes-Benz, Paul Bracq ressent le mal du pays. Il rentre donc en France, où l’attendent d’autres challenges. Pour autant, il conservera toujours une tendresse particulière pour la marque à l’étoile...

     

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  • René BONNET :
     
    René Bonnet a été pendant une quinzaine d'années le promoteur le plus actif du sport automobile en France.

    C'est principalement dans les années cinquante, qu'il se fit connaitre du grand public français et international, alors que les voitures qu'il produisait avec Charles Deutsch sous la marque D-B remportaient dans leur catégorie de nombreuses épreuves.

    Par la suite, il entreprit, seul, pendant quelques années la production de modèles « sport » et tenta l'aventure de la formule 2.

    René Bonnet, né en 1904, aborda le sport automobile en 1932, alors qu'il était agent Citroën direct à Champigny, près de Paris. Il participa, cette année-là, à son premier rallye au volant d'un roadster Citroën C 4 G.

    Il développa à cette époque sa propre affaire de commerce et de réparations automobiles dans des locaux loués à la famille de Charles Deutsch.
     René Bonnet
    1ère Bonnet-Deutsch 1938 159 km/h
    © D.R.
     
    Attiré de plus en plus par la compétition, René Bonnet s'inscrivit à l'école Georges Boillot à Montlhéry où, pendant les années 1934-1935, il se perfectionna en pilotant, entre autres voitures célèbres, la 3 1 Peugeot d'Indianapolis- Ses aptitudes le firent sélectionner en 1936 pour participer au Grand Prix de l'A-C-F couru en formule Sport.

    Il devait piloter la 2,5 l Amilcar Pégase, dont la mise au point s'avéra si laborieuse qu'elle ne prit pas le départ. Contraint d'assister en spectateur passif à la course (première grande victoire de la Bugatti 57 à caisse profilée), il décida son ami Charles Deutsch, alors étudiant, à tenter la construction avec lui d'une voiture de course en utilisant les éléments de la Citroën traction avant, et notamment le moteur 2 l.

    Par suite des difficultés de financement, il fallut deux années pour mener à bien ce projet. Grâce au concours de quelques amis, la première DB tourna en 1938.

    C'était une traction avant dont le châssis spécial avait été habillé d'une caisse aérodynamique très influencée par les conceptions très en avance de l'ingénieur Andreau. René Bonnet prit part avec cette voiture aux Douze Heures de Paris de 1938, aux Indépendants en 1939 (dont il remporta la catégorie 2 l) et au Grand Prix des Frontières à Chimay.. où il prit la deuxième place derrière la très rapide BMW 328.

    Engagé à la course du Bol d'Or de 1939. René Bonnet, dont la voiture avait été rééquipée d'un moteur de 1 100 cm3 y fut accidenté à la suite d'une sortie de route causée par un concurrent maladroit, ce qui lui enleva toute chance de remporter l'épreuve.
     René Bonnet René Bonnet
    © D.R.
    En 1945, René Bonnet fut prêt à reprendre la compétition avec une 2 l et une 1500 cm3 préparées malgré les difficultés de l'occupation, et qui apparurent au Grand Prix du Bois de Boulogne.

    Avec ces voitures, René Bonnet devait courir au Grand Prix de Saint-Cloud (disputé en 1946 sur l'autoroute de l'Ouest), à Nice, où sa barquette 2l fut accidentée, au challenge J.-P. Wimille, etc. En 1949, il exposait le projet d'une voiture de grand tourisme à mécanique Citroën II améliorée, comprenant notamment les transformations mécaniques vendues sous la marque EPAF qu'il avait créée (culasse modifiée, tubulure spéciale, roues en alliage léger, boite à quatre vitesses).

    Cette voiture, qui pouvait atteindre 150 km/h, alors que la « II » plafonnait à 110, ne put être produite en raison de l'opposition des dirigeants de Citroën. René Bonnet dut alors se tourner vers Panhard et ce fut le début d'une fructueuse collaboration, qui permit une longue série de victoires et de records.

    En 1961, l'association Bonnet-Deutsch étant rompue. René Bonnet lança sous son nom une nouvelle société de construction de voitures de sport et de compétition en utilisant cette fois des moteurs Renault. Bien que souffrant des séquelles d'un très grave accident de la route, survenu alors qu'il assurait l'assistance de ses voitures lors du Tour de France 1958, il entreprit, dès le début de 1962, la préparation des voitures destinées aux 24 Heures du Mans, épreuve dans laquelle il espérait renouveler les succès des DB, mais avec des voitures fondamentalement différentes.
     René Bonnet René Bonnet
    © D.R.
     
    Le prototype, piloté par Laureau et Vinatier, devait s'illustrer au Nürburgring, en mai 1962, en remportant sa classe. Ces nouvelles voitures avaient un châssis tubulaire construit autour d'une poutre centrale, elle-même composée d'un assemblage de tubes de faible section. Très légère, cette structure recevait un moteur arrière central et des suspensions indépendantes à bras inégaux constituées par un ensemble ressort hélicoidal-amortisseur à flexibilité variable.

    René Bonnet avait délibérément choisi pour ces voitures les caractéristiques les plus avancées, et une étude très poussée des formes devait permettre des performances remarquables malgré le choix d'un moteur à deux arbres à cames en tête réduit à 700 cm3 et étudié par Gordini pour la Régie Renault. Pour les premiers essais, un moteur culbuté d'une puissance sensiblement équivalente au moteur prévu avait emmené la voiture à près de 190 km/h sur l'anneau de Montlhéry.

    Trois toitures furent prêtes pour Le Mans. L'équipage Consten-Rosinski disposait d'une berlinette Djet de 1000 cm3, à moteur 5 paliers et 2 arbres à cames en tête. Mais il connut de nombreux ennuis de boite de vitesses notamment l'impossibilité de passer le quatrième rapport. Néanmoins, la voiture termina en dépit du régime imposé au moteur.

    L'équipage Vinatier-Vidilles, sur une berlinette 700 cm3, dut abandonner au cinquième tour pour surchauffe du moteur (celui-ci ayant été prélevé sur une barquette accidentée aux essais et monté hâtivement). Enfin, la barquette 700 cm3 de Laureau et Armagnac aurait pu remporter l'indice si le ressoudage d'une pédale de frein n'avait pas immobilisé la voiture pendant une demi-heure au stand.
    Cependant, les voitures avaient montré leurs qualités, notamment en matière de tenue de route, mais les nouveaux moteurs Renault 5 paliers semblaient difficilement commercialisables en raison de quelques problèmes posés par l'adaptation de la culasse à deux arbres à cames en tête soit dans la version 704 cm3 (64.5 x 54 mm) qui délivrait 70 ch à 8000 tr/ mn, soit dans la version 998 cm3 (64.5 x 70 mm) qui en donnait 95 à 7500 tr/mn.

    Les versions cataloguées en 1962 étaient toutes à moteur culbuté :

    - Cabriolet " Le Mans ", moteur 5 paliers, 1 107 cm3 (70 x 72 mm). 72 ch environ, carrosserie plastique 2 + 2. 720 kg, vitesse 170 km/h environ. Pour un prix de 18 500 F. cette voiture visait une clientèle à tendance sportive, mais désireuse d'un confort certain.

    - La berlinette Djet dérivée étroitement des voitures du Mans était proposée en deux versions : GT et Rallye. Toutes deux à caisse plastique enrobant une structure multitubulaire. Elles étaient à moteur arrière central avec une culasse hémisphérique en version rallye.

    - Enfin, le cabriolet Missile était prévu pour une clientèle jeune et, de ce fait, son prix de revient avait été très serré. La base était constituée par une plate-forme de R 4 Renault dont les éléments de suspension étaient conservés. Cette traction avant recevait un moteur Dauphine Gordini, 3 paliers (58 x 80 mm) amélioré par René Bonnet pour en tirer plus de 50 ch. Une boite à quatre vitesses, des freins à disque à l'avant seulement, et un poids total d'environ 500 kg, donnaient à cette petite voiture un comportement assez sportif, qui devait, avec un prix de vente inférieur à 13 000 F, lui assurer un certain succès.

    En compétition, René Bonnet aligna trois voitures en septembre 1962, pour les Trophées d'Auvergne : une barquette du Mans et deux coupés Djet. Les trois voitures terminèrent en 12e, 16e et 18e positions, respectivement aux mains de Laureau, Vinatier et Armagnac, qui affrontèrent en l'occurrence des Lotus Abarth. Porsche, etc., sans décevoir.

    Au début de 1963, René Bonnet devait engager un nouveau volant, alors champion de France motocycliste : Jean-Pierre Beltoise qui fit ses débuts au Rallye des Routes du Nord en pilotant avec brio, surtout lors de l'épreuve de vitesse sur le circuit de Reims, une « Missile » ; malgré son élimination provoquée par un retard trop important sur la route, il devait démontrer ses qualités de pilote et se retrouver, quelque temps tard, à la Targa Florio.
     René Bonnet
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    Quatre voitures dues à René Bonnet étaient engagées : une Djet, à moteur à deux arbres à cames en tête et trois «hémisphériques». Si la première fut la plus rapide malgré ses 1 000 cm3, c'est la 1100 de Vinatier-Basini qui prit la meilleure place au classement général. Charriére-Beltoise et Carpentier-Laureau furent contraints à l'abandon dès les premiers tours, les uns pour rupture de support-moteur. les autres pour serrage du moteur. En vue des 24 Heures du Mans.

    René Bonnet prépara quatre voitures, tandis qu'une cinquième était inscrite par l'écurie Méditerranée. Les berlinettes, cette année-là, présentaient une caisse dont le profilage arrière avait été amélioré, alors que le spider 1962 avait été doté lui aussi d'un toit destiné à réduire la trainée aérodynamique. La seule voiture rescapée, celle de Claude Bobrowski et de Beltoise, devait enlever le classement à l'indice énergétique. Les autres furent éliminés soit sur incident mécanique, soit sur accident, comme « l'Aérodjet » 996 cm3 à deux arbres à cames en tête, de Monneret-Masson, ou celle de Manzon-Rolland.

    Quelque temps auparavant, les résultats des Mille Kilomètres du Nürburgring avaient été décevants : Beltoise-Basini, partis très vite, avaient grippé leur moteur. Laureau eut de nombreux ennuis d'embrayage et de boite de vitesses, deux autres voitures quittèrent la piste. Une seule voiture termina la course, celle de Bouharde-Charrière équipée du moteur 1100 culbuté.

    Au sixième circuit de montagne d'Auvergne, René Bonnet eut la malchance de voir sa plus rapide voiture endommagée par une collision au départ en raison de la maladresse d'un concurrent, tandis que les autres Djet chauffaient et s'arrêtaient souvent.

    Parallèlement, il construisait une F2 dont deux exemplaires apparurent au Grand Prix de Pau 1964. Beltoise, pour éviter un concurrent parti en tête-à-queue, heurtait le trottoir et endommageait sa suspension, tandis que Gérard Laureau, victime d'un incident mécanique qui le retardait, terminait à dix tours. Si les voitures, qui expérimentaient une suspension arrière originale (l'ensemble ressort-amortisseur était reporté au centre du châssis), se révélèrent compétitives, les moteurs Renault ne laissaient aucune chance face aux Cosworth.

    On parlait beaucoup, à cette époque, du renouveau du sport automobile en France et d'une aide gouvernementale qui aurait entraîné une action parallèle de toutes les firmes intéressées. Pour René Bonnet, il était déjà trop tard. Ses voitures n'ayant pas eu le succès commercial qu'elles avaient connu outre-Manche, lui-même n'ayant pas reçu une aide suffisante couvrant les frais énormes entraînés par toutes ses participations, la Société des Automobiles René Bonnet fut absorbée par Matra en 1964.

    Pendant quelque temps, les « Djet » furent vendues sous la marque Matra-Bonnet, puis le nom de leur créateur disparut bientôt. Il reste le souvenir d'une carrière sportive sans équivalent en France, au cours de laquelle René Bonnet et ses collaborateurs accumulèrent victoires et records dans des conditions qui, bien souvent, auraient fait fléchir des caractères moins trempés.
     René Bonnet René Bonnet
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